Lundi 4 mars 2011
Le réveil sonna 6h00 et comme tous les niçois, je m'apprêtais à partir au travail. Je pris un bol de café, je me préparai et me mis en route.
En effet, mon travail occupait une grande place dans ma vie et c’est sans doute pour cela que je restais durablement célibataire. Mais, je pensais plutôt que la véritable raison était que j’avais peur d’être avec une femme, car je vivais dans la crainte perpétuelle que mes hallucinations visuelles dont j’étais victime à mon adolescence réapparaissent.
Je me rendis donc à mon cabinet où j’étais architecte et je trouvai ma place de parking occupée par le même modèle de voiture que moi, je cherchai donc une autre place. J'entrai dans mon bureau. Là, je trouvai mes plans personnels conçus la veille dispersés de toute part sur mon bureau. La fenêtre était ouverte et des feuilles volaient dans la pièce. Quand je vis mon patron avec qui j’entretenais aussi une relation amicale, je pensai de suite à une mauvaise blague. Il s’écria :
« Comment ça va ce matin, Philippe ?
- Bien ! Mais je constate que vous avez de l'humour !
- Ho ? Je ne vois absolument pas de quoi vous parler. Bon passons aux choses sérieuses ! Hier, un homme m’a appelé sous le nom de José de Cavala et m’a demandé de faire les plans de sa future demeure mais l’ennui, comme tu le sais autant que moi, c’est que je travaille sur une affaire pointilleuse et délicate. Je dois par conséquent rester ces derniers jours au cabinet or, l’offre faite par monsieur de Cavala se trouve à Paris. Alors…Disons que j’ai pensé à toi….
- A moi ! ! ! Mais c’est impossible… Enfin ! J’ai une vie moi aussi !
- Allons, vas, tu es célibataire et sans enfant donc tu es beaucoup plus disponible que moi… D’ailleurs tu apprendras que le mot impossible n’existe pas et de plus le billet de train a déjà été réservé pour demain, 8 heures, à ton nom. »
Je me retournai, contrarié, les yeux rivés au sol. Toute ma journée fut occupée par le rangement de mes fichus plans dont certains étaient déchirés. Je rentrai chez moi, abasourdi. Je préparai ma valise lentement et me couchai.
Mardi 5 mars 2011
Le lendemain matin, le réveil sonna 6h00 et comme à mon habitude je bus un bon café bien chaud, je me préparai, je pris ma voiture et arrivai à la gare. Là, je ne sus si s’était parce que j’étais contrarié ou fatigué mais ma tête se mit à tourner et je ne pus rester debout. Je m’assis donc et là, j’eus comme une hallucination. Je vis un homme qui me ressemblait fortement. Il était grand, brun avec plusieurs plans à la main et je vis avec stupeur qu’ils étaient destinés à monsieur de Cavala. Je fouillai instantanément ma mallette et je remarquai avec crainte que les plans n’y étaient plus. Je repris donc mon souffle, cherchai le numéro du quai et pris l’escalator. J’attendis 20 bonnes minutes avant que le train arrive. A cet instant, je me trouvai une place assise où je pus lire le journal et prendre un croissant que j'avais pris soin d'acheter la veille. Soudain, un second malaise me prit mais cette fois il dura davantage. Je fus pris par de violentes hallucinations qui me parurent cependant réelles. Ma tête tournait et je n’arrivais pas à distinguer nettement les personnes autour de moi. Ces vertiges durèrent très longtemps et auraient pu d’avantage continuer si le train ne s’était pas arrêté avec la voix d’une femme disant promptement :
« Mesdames, messieurs vous êtes arrivés à la gare de Lyon… »
Je descendis du train. Mes jambes étaient lourdes et j’arrivais à peine à faire un pas devant l’autre.
En effet, comme mon patron me l’avait indiqué, mon hôtel se trouvait juste en face de la gare. A peine étais-je arrivé que la porte s’ouvrit, on me salua et m’indiqua le numéro de ma chambre. Dès que j’entrai dans celle-ci, je posai mes bagages et m’allongeai sur le lit. Au départ ce fut pour vérifier s’il était confortable mais je m’endormi finalement pour la nuit.
Mercredi 6 mars 2011
Heureusement, je me réveillai à 6h00 sans avoir mis mon réveil. Cependant, je m’empressai de me rendre chez José de Cavala où j’allais passer la journée à étudier des plans.
Quand j’arrivai chez lui je n’arrivai pas à distinguer la maison. Une sorte de lueur blafarde entourait celle-ci. Malgré cette lueur je vis avec effroi que l’homme que j’avais cru voir dans la gare était là, les plans à la main discutant avec José de Cavala. Instantanément, j’accourus vers mon client et tentai de récupérer l’affaire. Mais cet homme que je ne connaissais pas riait et nerveusement je me mis à rire. Je me présentai rapidement et je vis avec stupéfaction que les deux hommes continuaient à parler sans remarquer ma présence. Monsieur de Cavala s’adressa à l’homme en ricanant :
« Ah mon bon Philippe je sens que nous allons nous entendre. »
Je me mis à paniquer, mon corps tremblait et avec une colère effroyable, je m’écriai :
« MA…… MAIS JE SUIS PHILIPPE, J’AI CONCU VOS PLANS HIER, CHEZ MOI ! MAIS OU REGARDER VOUS ? JE SUIS LA, LA, LAAAA ! ! ! »
Ne sachant plus quoi penser je m’en allai, désemparé, me changer les idées. Afin de me détendre et d’oublier ce malentendu je décidai de profiter de la beauté de la ville pour cultiver ma pensée architecturale.
Je pris la voiture et me dirigeai vers Versailles où je voulus visiter la célèbre salle du Palais des glaces. En effet, tous mes amis du métier m’avaient conseillé de visiter cette fameuse salle. Malgré ma colère, je pris grand soin de ma tenue : je mis mon costume gris anthracite avec ma cravate blanche et je cirai mes chaussures de cuir noir et partis.
Arrivé dans la salle, je ressentis un petit frisson qui en soi n’était pas si désagréable mais une seconde fois je sentis un léger frôlement comme si quelqu’un me tapotait sur l’épaule pour que je me retourne mais par pudeur de moi-même je continuai à marcher. Ce frisson me reprit encore derrière le dos mais je ne me retournai pas, c’était comme une attirance enfantine. Sans que je puisse l’avouer la peur venait petit à petit en moi et au bout d’un certain moment ce n’était plus la peur qui s’emparait de moi mais une terreur affreuse. Aussitôt, je revis dans la salle l’homme qui était chez monsieur de Cavala, habillé comme moi. Cependant, je n’oubliais pas la raison pour laquelle j’étais venu, qui était de contempler la beauté des lieux. Je regardais alors les différents miroirs, tous aussi beaux. En regardant l’un d’eux, je vis une seconde fois cet homme qui me paraissait étrange. Il serrait ses poings et l’on voyait sur son visage une humeur coléreuse.
Gêné, je détournai mon regard vers le sol et m’aperçus avec terreur que mes poings étaient serrés et que je n’arrivais pas à contrôler mes gestes, j’accomplissais exactement les mêmes que cet homme. Là, le cherchant du regard je l’aperçus à coté de moi. Nous nous regardâmes tous deux en fixant le miroir d’un air désemparé et nous remarquâmes que sur nos visages trônait une même expression de crainte. Nous étions tellement terrorisés qu’aucun mot ne sortait de notre bouche. Nos yeux ne se fermaient pas et devenaient rouges comme le sang. Je le regardais et je s’avais que mon visage était semblable au sien et je pense que c’était la raison de ma peur et aujourd’hui je ne sais pas encore décrire cette horrible scène, ma vie n’existait plus.
Cette journée commençait à être fatigante et longue alors je décidai de rentrer chez moi mais j’hésitai cependant à prendre la voiture car je me sentais très mal, j’étais fatigué et ma tête tournait mais je rentrai quand même à mon hôtel.
Arrivé dans ma chambre, je me laissai tomber sur mon lit comme une pierre, pris la télécommande de la télévision et l’alluma. La première chaine que je mis fut un film d’horreur mais je n’avais pas besoin de cela pour terminer cette épouvantable journée. Je changeai alors cette chaine et regardai les informations.
Soudain, je remarquai avec effroi et stupéfaction que la une des informations concernait le palais des glaces. La présentatrice dit ainsi :
« Aujourd’hui, mercredi 6 mars 2011, j’ai le regret de vous annoncer qu’une célèbre salle d’un monument de Paris a été saccagée et que par conséquent les visites y seront interdites. En effet, les miroirs du palais des glaces ont été violemment brisés. Les autorités locales ont déjà plusieurs suspects mais, tout porte à croire que cet homme, un architecte célibataire serait le coupable. Ainsi, Tous les moyens seront mis en œuvre pour élucider cette affaire.»
A la vue de la photo, mon visage devint pâle et je crus que mon cœur m’abandonnait. L’homme qui apparut à l’écran était soit moi, soit l’homme qui était à mes cotés et j’en fus terrorisé. Je remarquai avec crainte que je ne savais plus comment c’était passé ma visite au palais des glaces. Soudain, une terrible pensée me vint à l’esprit. Pourquoi je ne me rappelai de rien ? Et si c’était moi le coupable, l’homme du musée ? Je me rassurai en me disant que j’étais sûrement très fatigué et que je confondais tous mais j’atteignais un tel niveau de peur que ma raison n’existait plus. Je passai ma main sur mon front en sueur et mon corps commençait à trembler.
Pris de panique, je pris mes valises et partis en courant en direction de la gare où je demandai un billet de train de dernière minute. Le train arriva et je montai très rapidement. J’arrivais à peine à respirer.
Dès mon retour à Nice, je courrai dans mon appartement où je m’enfermai à clé. Je m’assoupissais sur mon lit.
Les années s’écoulèrent sans que j’eusse le courage de sortir dehors, sans que je puisse avoir une vie sociale et professionnelle. Seul cette histoire et cet homme hantaient mes pensées. Alors, je me demandais si le pire était d’être condamné en prison ou d’être emprisonné par ses tourments.
Fanny & Claire